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LES ACTUALITÉS DE L’ACADÉMIE
Novembre 2023 - N°69
Sommaire:
- Le mot du Président : 1-2
- « In memoriam » : disparition de Théodore Braun, membre correspondant : p.3-4
- La séance publique du lundi 6 novembre 2023 : 4-7
- L’émission radiophonique des Rendez-vous de l’Académie : 8
- La séance solennelle du dimanche 10 décembre 2023 : 8-9
- Les publications de l’Académie : 10
1. Le mot du Président
Nous sommes presque au complet ! Bienvenue à notre nouvelle consœur et à nos deux nouveaux confrères : notre Assemblée Générale élective du 6 novembre a élu au premier tour de scrutin :
- au fauteuil numéro 10, vacant depuis la démission, en avril 2022, de Paul Duchein : Monsieur Jean-Paul Dekiss
- au fauteuil numéro 24, vacant par suite du décès du docteur Philippe Rollin, en février 2022 : Monsieur Pierre Desvergnes dit Pierann
- au fauteuil numéro 37, vacant par la démission, en janvier 2022, de Madame Christiane Vallespir : Madame Edmée Ladier
Très belle palette de nouveaux esprits qui viennent compléter la richesse déjà bien diversifiée de notre Compagnie.
Effectif quasi complet donc, puisque 39 sur 40 de nos fauteuils ont un titulaire, ce qui va nous permettre d’exploiter au mieux tous les talents que recèle notre Académie et ce, dans une perspective de diffusion des sciences, des lettres et des arts - ce qui a toujours été le but de notre mission. Il nous appartiendra d’organiser selon notre tradition la réception officielle de ces nouveaux membres.
Par ailleurs, je m’en voudrais un peu si je ne vous glissais comme un clin d’œil et un peu d’humour potache, le fait que le troisième jeudi de novembre (marqué il y a d’autres temps par des rites autour du vin nouveau) a été institué en 2005 par l’UNESCO « Journée mondiale de la philosophie » : « Car en dehors d’être une discipline, la philosophie est aussi une pratique quotidienne qui peut transformer les sociétés et stimuler le dialogue des cultures. En éveillant à l’exercice de la pensée, à la confrontation raisonnée des opinions, la philosophie aide à bâtir une société plus tolérante et plus respectueuse. »
Et si vous me permettez une facétie motivée par ce 3ème jeudi de novembre, certains pourraient peut-être imaginer un lien entre philo et vin… Je vous citerai donc Gaston Bachelard qui, dans La Psychanalyse du feu, les y inciterait : « Bacchus est un dieu bon car il libère la syntaxe et évite l’ankylose de la logique. »
- « In memoriam »
Disparition de Théodore Braun,
Professeur émérite de l’Université du Delaware (U.S.A), Membre correspondant de notre Académie
C’est par un courriel adressé par Jeanne Braun Vélonis, fille de Théodore, fin octobre, à notre confrère Jacques Carral, que nous avons appris le décès de Théodore Braun, survenu le 14 décembre 2022. Il était l’un des meilleurs spécialistes de Jean-Jacques Le Franc de Pompignan, auquel il a consacré sa thèse, Un ennemi de Voltaire, Le Franc de Pompignan, sa vie, son œuvre, ses rapports avec Voltaire, publiée en 1972. On lui doit également une vingtaine d’articles et de communications, en français ou en anglais, consacrés au fondateur de notre Académie. Nous l'avons reçu en qualité de
« membre correspondant » en 2012. Lors de sa réception, il a donné une communication sur « La crise existentielle de Le Franc de Pompignan au début des années 1750 ». En 2018, de retour en Tarn-et-Garonne, et à l'occasion d’une séance foraine de l’Académie à Pompignan, il a prononcé dans la chapelle des Dominicaines du château, une conférence au cours de laquelle il est revenu sur la question des rapports entre Le Franc et Voltaire, mettant en lumière le côté sombre et machiavélique de ce dernier, et évoquant les « Mensonges, calomnies et faits alternatifs » qu’il a inventés pour discréditer le poète montalbanais dans l’opinion.
Claude Sicard (alias Voltaire)
dialoguant avec Théodore Braun (alias Le Franc de Pompignan)
Son ami Jacques Carral lui consacrera prochainement un hommage où il reviendra sur sa contribution à la connaissance de la vie Le Franc de Pompignan et de ses œuvres. Cet « In Memoriam » sera publié sur notre site et dans le Recueil 2023.
3. La séance publique du lundi 6 novembre 2023
La séance est ouverte à 17h par le président qui annonce l’élection des trois nouveaux académiciens cités plus haut.
Le Secrétaire Général procède aux annonces culturelles traditionnelles, en tête desquelles l’ouverture, le 21 novembre, des « Lettres d’Automne » qui accueillent cette année Maylis de Kérandal.
Il énumère les conférences prévues à l’UTAM, la journée d’études de la SMERP sur « tolérance et intolérance religieuse : le combat pour la liberté de conscience » du samedi 18 novembre, la communication de Charles Matharan sur la création de l’Ordre National du Mérite, les expositions sur Manuel Azaña et Marc Dautry, et la séance solennelle de l’Académie, le 10 décembre à partir de 15 heures, avec la conférence musicale de Jean-Marc Andrieu : « Jean-Jacques Lefranc de Pompignan et la Musique ».
Après quoi M. Didier Lérisson, nouvel académicien est accueilli solennellement.
Il est présenté par Mireille Courdeau dans une allocution « affectueuse et admirative ». C’est un Toulousain, fier de ses origines modestes, entré dans la vie active après le Baccalauréat, dans le secteur bancaire où il se forme et progresse, passant de de l’analyse à l’expertise comptable, et où il fera toute sa carrière, à la Banque Populaire. Il est marqué par ses rencontres avec Joël de Rosnay et Michel Serres. Il intervient longtemps à Ouagadougou dans le cadre d’activités de formation. C’est un patron humaniste, exigeant et bienveillant. Il arrive en Tarn-et-Garonne en 2005.
La présidence du Tribunal de Commerce ne l’empêche pas de jouer de la guitare...
Mireille Courdeau conclut en répétant que ce « Lérisson-là ne pique pas, il convainc, il séduit par sa gentillesse, sa malice, ses compétences, sa disponibilité »
Didier Lérisson présente alors l’éloge de son prédécesseur, M Gabriel Roqueplo, né en 1921 à Paris et décédé à Montauban en juillet 2020, à 98 ans. Parisien de la rive gauche, il fait d’excellentes études (HEC, Droit, un DES d’économie). Les années 1947-1948 seront pour lui des années importantes puisqu’il rencontre Dana à Prague dans un rassemblement de jeunesse. Il la retrouve à Londres en 1948, où elle participe aux jeux Olympiques, en tir à l’arc, au titre de la Tchécoslovaquie (Elle sera titulaire de la Médaille d’Argent). Ils se marient à l’automne et se fixent rapidement, en 1950, en Tarn-et-Garonne, où Gabriel Roqueplo est directeur commercial aux Moulins de Saliens, à Reyniès. Il fera toute sa carrière dans cette entreprise dont il deviendra Directeur Général.
Il est élu à l’Académie en 1978, au fauteuil n°29, en remplacement de l’abbé Bozouls. Il est reçu en 1979 par son parrain M. Alain Godeau, directeur honoraire à la banque Courtois, sous le triple signe de la spiritualité, de la rigueur et de la rectitude.
Il nous présentera plusieurs conférences, en 1995 sur le théologien Jean Hus, l’autre en 2006 sur la vie tumultueuse de Dominique Ruzzola, moine de l’ordre des Carmes Déchaux, qui fut mandaté par le Pape pour assister à un certain nombre de conflits, en particulier à Prague et à Montauban. Très impliqué dans le fonctionnement de l’Académie, M. Roqueplo en fut le trésorier pendant dix ans, entre 1995 et 2005.
« Je ne le connaissais pas, conclut Daniel Lérisson, ce fut une belle découverte, un homme d’entreprise aux hautes valeurs morales »
Après quoi, notre nouveau confrère présente sa conférence qu’il a intitulée :
« La dématérialisation du dictionnaire, du papier à la base de données »
Son point de départ est le Dictionnaire Universel de Commerce en 5 volumes, édition de 1759.
Le dictionnaire, dit-il, n’est que l’expression, à un moment précis, de la conjugaison de l’état d’une technologie et d’un niveau de connaissances, l’un et l’autre étant évolutifs.
Il annonce qu’il traitera successivement de l’histoire de ce Dictionnaire puis des domaines impactés par les effets du progrès (technique d’impression, connaissances, finances) avant d’exprimer un certain nombre de remerciements à ceux qui ont permis la restauration de ces cinq volumes.
La création de ce Dictionnaire résulte de celle de l’inspection générale des douanes, par Louvois, soucieux de doter d’outils sa politique manufacturière. Jacques Savary des Brulons, né en 1657, fut nommé en 1686 à ce titre d’inspecteur général des douanes. Il produisit un ensemble de fiches techniques constituant un thésaurus qu’il appela son « manuel mercatique ». « Un vrai travail de titan, réalisé à la plume ». A partir de ce document germe progressivement l’idée d’un dictionnaire de commerce, dont le monde des affaires a besoin.
Ce travail sera à la charge d’un trio composé de Jacques Savary, de son frère Philémon et de l’éditeur Jacques Estienne qui rassemblent les contributions des inspecteurs des manufactures et des ancêtres des actuelles chambres de commerce.
La sortie de ce Dictionnaire Universel de Commerce, annoncée pour 1714, n’intervient qu’en 1723, chez Jacques Estienne, éditeur. Entre temps, Jacques Savary est mort en 1717. Le succès de cet ouvrage suscita une version pirate, laquelle conduisit à de nouvelles éditions du vrai dictionnaire en 1741 et 1750, puis à celle de 1759-65 en cinq volumes, qui est présentée en conférence. Le succès durable de cet outil efficace et opérationnel n’empêche pas de réfléchir à un renouvellement de l’approche suivie, d’autant que l’Encyclopédie arrive.
On glissera donc d’une définition des termes du négoce à celle d’une science économique naissante.
La recherche de gains de productivité dans l’édition a naturellement un impact sur les métiers environnants, et renouvelle le contenu de ces métiers. C’est ainsi qu’on est passé du copiste au correcteur : « terminés les doreurs, relieurs, papetiers colleurs de feuilles. Vive les chefs de projets web- mobile, les ingénieurs cloud computing… ». Quand on fait la liste des métiers qui ont permis la réalisation du Dictionnaire de Commerce, on constate qu’il n’en reste plus beaucoup !
L’appel à des contributions extérieures pour un Dictionnaire ou une Encyclopédie renforce l’anonymat des contributeurs et la personnalisation de l’œuvre autour de l’inspirateur, en dernière analyse le libraire éditeur.
Le conférencier nous propose alors de faire un grand saut dans le temps : la révolution numérique a totalement chamboulé notre environnement, elle en est à ses débuts, la vitesse de progression suit une courbe exponentielle. Le moteur de recherche est un intermédiaire entre le demandeur et le sujet : or leurs réponses peuvent, sur un même sujet, varier considérablement : Daniel Lérisson donne l’exemple de traductions d’un vers d’Horace en plusieurs versions.
Les Data stockent un nombre d’informations de plus en plus important, sans commune mesure avec la mémoire humaine. Par des algorithmes peuvent être agencées des réponses en suivant une logique empruntée au fonctionnement de la pensée humaine, mais….
Pour les utilisateurs l’impératif reste le même : penser par soi-même, et raisonner. La finance : au XVIIIe siècle le financement de l’édition repose sur le libraire imprimeur, qui lance des souscriptions (qui assurent un préfinancement mais il faut souvent faire patienter les souscripteurs). L’Encyclopédie, par exemple, a fini par être un de plus grands succès de librairie de l’ancien régime. L’argent, nous dit le conférencier, est consubstantiel de la nature même de l’entrepreneur, et de nos jours la motivation liée à l’espérance de gain est toujours là, l’entreprise n’est plus perçue que comme un instrument potentiel de gains financiers.
Le besoin de financement du secteur de l’édition confronté à la révolution numérique est considérable.
La financiarisation progressive de l’économie nous met à l’opposé des conceptions d’Adam Smith sur la main invisible régulant l’économie : il serait sans doute bon, glisse le conférencier, qu’elle se manifeste de nos jours. Et face à la révolution numérique, l’adaptation devient une urgence.
Le conférencier conclut en remerciant les personnes qui ont permis de restaurer les cinq volumes de l’édition 1759 du Dictionnaire de Commerce qu'il a eu le plaisir de présenter.
4. L’émission de CFM
« Les rendez vous de l’Académie » fêtaient, ce 13 novembre, leur 35ème émission consacrée aux plus de 33 ans du festival de littérature « Lettres d’Automne ». L’occasion était trop belle pour la « fortune du mot » de jouer sur la parenté lexicale entre festin et festival… L’émission se complut à faire passer Maurice Petit du rôle de questionneur à celui de questionné, lui qui fut le concepteur, réalisateur, animateur inlassable pendant près de 30 ans de « Lettres d’Automne ». Il put ainsi évoquer les grands moments, comme les évolutions de ce festival hors du commun, unique en France.
Enfin, Anne Lasserre nous fit mieux connaître le colonel Yvan Reverdy qui, outre ses faits d’armes, fut un temps président de notre Académie.
Moments forts que vous pourrez écouter lorsque CFM nous aura communiqué le lien :
5. La séance solennelle du 10 décembre
C’est à 15h00 au Théâtre Olympe de Gouges que sera donnée notre séance solennelle, un moment important dans la vie de notre Académie. En un premier temps nous y faisons, en présence des autorités de l’Etat, de la ville, du département, le point de l’année écoulée et présentons les perspectives de l’année à venir.
Puis, dans un second temps, ce sera cette année notre confrère Jean-Marc Andrieu qui, en « conférence-concert », à partir d’une idée de Geneviève Falgas, nous contera et illustrera musicalement les relations entre : « Jean- Jacques Lefranc de Pompignan et la musique ».
Moment privilégié auquel nous vous espérons nombreux.
INFOS SUR LE COLLOQUE ÉVOQUÉ CI-APRÈS
Pierre Marillaud
à
Robert d’Artois, Président,
ses chères consœurs et chers confrères,
de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Montauban
Puisque notre Académie a accepté de patronner le colloque qui se déroulera à Montauban du 3 au 5 juillet 2024 sur le thème : Éloge du « politiquement correct » - Pour une réévaluation d’un discours de modération contemporain , j’ai tenu à vous apporter quelques informations sur ce colloque principalement organisé par Michael Rinn, professeur à l’Université de Brest, et Marc Bonhomme, professeur émérite de l’Université de Berne (Suisse) en même temps que j’adresse l’appel à communications au bureau de notre Académie.
Je précise que Philippe Bécade fait partie du comité d’organisation car, ayant pensé à comparer le discours de la doxa médical et le politiquement correct, cette première proposition de communication a séduit Michael Rinn qui, de ce fait, a sollicité Philippe pour qu’il accepte une place dans le comité d’organisation.
Les deux chercheurs en Sciences du Langage, fondateurs du colloque 2024 de Montauban, Michael Rinn et Marc Bonhomme, ont l’un et l’autre fréquenté à plusieurs reprises le Colloque International d’Albi Langages et Signification, créé par Georges Maurand, et que j’ai eu l’honneur de présider pendant 14 années, de 2001 à 2015.
- Michael Rinn est actuellement professeur à l’Université de Bretagne Occidentale ; Il a publié plusieurs ouvrages dont « Les récits du génocide », « L’Afrique en discours », « Santé publique et communication » et « Témoignages sous influence ».
- Marc Bonhomme, agrégé de grammaire et docteur d’État, professeur émérite de l’Université de Berne, m’aida beaucoup dans le choix des thèmes proposés chaque année pour le colloque d’Albi. Outre de nombreux articles, il publia « Linguistique de la métonymie », « Les figures-clés du discours » (1998), « Pragmatique des figures du discours » (2005), « Le discours métonymique » (2006) et, en collaboration avec Jean-Michel Adam, « L’argumentation publicitaire-rhétorique de l’éloge et de la persuasion ».
J’ajouterai que Roselyne Koren, professeur émérite en Sciences du Langage de l’Université de Tel-Aviv, membre elle aussi, de notre conseil scientifique, était venue au colloque d’Albi en 2004 où elle avait traité un sujet qui, malheureusement... , continue à nous poser des questions brûlantes aujourd’hui : «Contribution à la régulation argumentative du différend politique : le flou polysémique du concept de ‘terrorisme’ est-il insoluble?» Elle publia, outre de nombreux articles ,« Les idées reçues » (Nathan 1991), « L’argumentation dans le discours » (Nathan 2000).
Enfin, je signale la présence de Patrick Charaudeau , professeur émérite de Paris XIII, CNRS, linguiste très connu, auteur de nombreux ouvrages et articles, dont la « Grammaire du sens et de l’expression » ( Hachette 1992, 927 pages) qui fit sensation à l’époque et fut rééditée récemment .
Certes, je suis un peu gêné de mettre mon grain de sel, alors que vous n’avez pas besoin de ces quelques détails avant de lire notre appel à communications, mais le thème du colloque « Éloge du politiquement correct- pour une réévaluation d’un discours de modération contemporain » me laisse penser que les sinistres événements que nous vivons, en particulier depuis l’assassinat du professeur Samuel Paty le 16 octobre 2020, suivi 3 ans plus tard, le 13 octobre 2023, par celui du professeur Dominique Bernard sur le plan national, ainsi que la guerre entre le Hamas et Israël sur le plan international, marqueront sans doute certains des auteurs qui donneront des communications en juillet prochain à Montauban. Aujourd’hui, la plus grande partie des enseignants du primaire et du secondaire de nos établissements publics se condamnent à une véritable autocensure vu les menaces dont certains font l’objet. Qu’elle soit préventive ou de lassitude, cette autocensure remet profondément en cause le fonctionnement de notre école et le principe de laïcité auquel sont soumis tous les établissements publics ainsi que les établissements privés sous contrat. Mais peuvent-ils faire autrement quand certains retrouvent leur voiture avec les pneus crevés, quand ils reçoivent des menaces concernant leur famille ? Il ne s’agit pas de tomber dans l’islamophobie, mais le « pasdevaguisme » qui s’est mis en place depuis trop longtemps déjà, a laissé le champ libre à tous les excès. Des enseignants sont menacés de mort, « on va te faire un Paty », « Sale bâtard, on va te faire la peau », certains élèves ne mangent plus de porc à la cantine de peur de perdre leurs copains, des filles se dispensent des leçons de natation pour ne pas être vues en maillot par les garçons, etc, etc. Alors le discours de sagesse, ce discours de modération pourra-t-il s’imposer ? Nul doute qu’il en sera fortement question au cours de notre colloque. C’est du moins ce que je souhaite vivement, car ancien Inspecteur de l’Éducation Nationale, puis Inspecteur d’Académie-IPR à Toulouse, les échos qui me parviennent de ce qu’il se passe dans les écoles, collèges et lycées publics m’ont atteint le moral, et je vous prie de bien vouloir m’ excuser de vous en avoir fait part.
Mais pour ne pas terminer sur cette note triste, je souhaite que ceux d’entre vous qui nous rejoindront pendant ces trois journées de juillet 2024 prendront du plaisir à participer ou simplement à écouter.
Très cordialement à toutes et tous
Pierre Marillaud
Appel à communication Colloque international
Éloge du « politiquement correct ».
Pour une réévaluation d’un discours de modération contemporain
Ancien Collège
Montauban, 3-5 juillet 2024
sous le patronage de
l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Montauban
- Problématique
Apparu aux États-Unis dans les années 1970 et vulgarisé en français une vingtaine d’années plus tard, le terme « politiquement correct » s’avère profondément ambigu à travers ses enjeux linguistiques, sociaux et politiques.
Dans l’espace anglo-saxon et nord-américain, ce terme désigne essentiellement les formes de discours destinées à lutter contre les discriminations affectant les minorités et les groupes marginalisés. De telles discriminations recouvrent un large spectre englobant le racisme, le sexisme, l’homophobie et des modes d’exclusion plus spécifiques, comme celle liée au handicap. À la fois façon de penser et projet linguistique, le politiquement correct (correct suggérant une idée de conformité éthique, mais aussi de bienséance) présuppose qu’une action volontariste sur la langue peut modifier les comportements dans le sens d’une reconnaissance des différences, d’une valorisation de l’autre et d’une meilleure harmonie sociale (Larrazet, 2010). Concrètement, il se traduit par la mise en place d’une langue non-discriminante fondée sur des procédures de renomination lexicale positivante, de recatégorisation sémantique ou de neutralisation syntaxique (cas des articles ou des pronoms personnels avec l’écriture inclusive). D’un point de vue communicationnel, cette transformation de la langue privilégie la relation (dans l’acception de Watzlawick et al., 1972), vu qu’il s’agit d’estomper le potentiel menaçant des discours et de ménager les faces du public discriminé suivant une visée d’intégration.
Cependant, et particulièrement en France, le politiquement correct a suscité de nombreuses critiques. Sur le plan linguistique, on lui a reproché d’instaurer un nouveau conformisme langagier, invariablement valorisant, composé de stéréotypes, de lieux communs et de formulations euphémisantes. C’est pourquoi sa nouvelle phraséologie conventionnelle a pu faire douter de sa sincérité, d’autant plus qu’en agissant sur les mots, il ne remédie pas forcément aux maux qu’il se propose de combattre. Sur le plan idéologique, par son « hygiène verbale radicale » (Cameron, 1995 : 8), le politiquement correct a été vu comme un instrument de contrôle sur la pensée, destiné à influencer – voire manipuler – l’opinion publique. Dans cette optique, on a tour à tour critiqué son « totalitarisme » (Volkoff, 2001 : 11), son « hégémonisme culturel » (Allan & Burridge, 2006 : 127) ou sa « tyrannie de l’opinion » (Delporte, 2009 : 299), sans parler de ses effets souvent contre-productifs, à l’opposé de ses objectifs consensuels : « On égare le citoyen vers des attitudes d’autocensure, d’inhibition, on verrouille le blocus social » (Mercury, 2001 : 134). Comme le note Krieg-Planque (2021), cette perception négative du politiquement correct est si forte que les locuteurs évitent fréquemment de le prendre en charge pour qualifier leurs discours, l’attribuant aux propos d’autrui qu’ils dénoncent. À ces problèmes s’ajoute le fait que le politiquement correct pâtit parfois d’une extension difficilement contrôlable hors de la sphère stricte de la discrimination sociale, ce qui en dilue la portée conceptuelle. C’est ainsi qu’il s’est vu étendu aux domaines les plus variés : sport, droit, culture, etc., comme en témoignent les ouvrages de Volkoff (2001) ou de Merle (2011). En cela, il tend à se confondre avec la langue de bois ou avec les processus généraux de l’euphémisation du langage.
- Objectif et axes
L’objectif de ce colloque est de réévaluer le concept de « politiquement correct », en tenant compte des critiques précédentes, mais en le recentrant sur son acception première : celle d’un discours de modération et d’intégration face à des pratiques discriminatoires. D’une part, ce concept – reconsidéré selon sa facette positive – est d’une actualité brûlante en ce début de XXIe siècle où l’on voit une montée des discours d’exclusion, tant sur les réseaux sociaux que dans les sphères médiatiques et politiques. D’autre part, envisagé comme un discours de régulation sociale favorisant le vivre ensemble, il constitue un concept à la fois cohérent et souple que des notions voisines, comme celle de « discours inclusif », ne recouvrent qu’en partie. Ce colloque se veut donc une sorte d’« éloge » du politiquement correct, débarrassé autant que possible de sa gangue dogmatique. S’adressant aux chercheurs/euses en linguistique, en littérature et en sciences de la communication, mais également aux psychologues et aux pédagogues, il se propose de contribuer à la modélisation d’une pratique discursive qui invite à l’échange, à l’écoute et au respect de l’autre.
Sur ces bases, les axes d’étude suivants peuvent être privilégiés :
a ) Approches sociolinguistiques et communicationnelles
- Comment le contexte et les conditions de production du politiquement correct ont évolué ces dernières années par rapport à la fin du XXe siècle ?
- Quel bilan peut-on dresser sur la réception récente du politiquement correct ? Quels blocages freinent ou empêchent sa réception positive ?
- Une étude comparative entre les pratiques du politiquement correct dans divers pays permet-elle de le réévaluer positivement ?
- Où en sont actuellement les relations entre le politiquement correct, la langue de bois et le discours inclusif ?
- En quoi les théories de la politesse et des faces (Brown & Levinson, Charaudeau, Goffman, Kerbrat-Orecchioni…) favorisent-elles une meilleure compréhension du politiquement correct ?
b) Approches discursives et rhétoriques
- En quoi les dimensions énonciatives (jeu sur les points de vue, actes de langage indirects, etc.), lexico-sémantiques (création néologique, recatégorisations verbales…) et grammaticales (action sur les pronoms, les adjectifs, la syntaxe…) du discours participent-elles à une orientation positive du politiquement correct ?
- Comment est-il possible de raviver l’expression du politiquement correct à travers des formes langagières novatrices et moins conventionnelles ?
- Comment la rhétorique des figures (euphémismes, ironie, litotes, humour, etc.) est-elle en mesure de valoriser le politiquement correct ?
- Les stratégies rhétoriques fondées sur l’éthos et/ou le pathos peuvent-elles contribuer à lutter contre les discours de discrimination ? Comment les rhétoriques de l’éloquence, en synchronie et en diachronie, sont-elles à même de renforcer les relations interindividuelles ?
- En quoi le recours à l’argumentation s’avère-t-il efficace pour contrecarrer les pratiques discriminantes ?
c) Approches psychologiques et pédagogiques
- Comment éviter que le politiquement correct devienne un discours de manipulation ?
- Le politiquement correct tend-il nécessairement au stéréotypage et à une doxa conformiste, comme le pensent ses détracteurs ? En quoi peut-il contrer les idéologies et les représentations communes reposant sur le rejet de l’autre ?
- Comment sensibiliser efficacement les élèves ou les étudiant/e/s au politiquement correct dans un cadre scolaire et universitaire ? Les manuels pédagogiques sont-ils adaptés pour une telle sensibilisation ?
- Peut-on encore tenir un discours « politiquement correct» devant des élèves qui baignent dans une société de plus en plus tiraillée entre l’individualisme et le communautarisme ? Si « oui », à quel prix et comment ? À l’heure d’Internet et des réseaux sociaux numériques, comment l’école peut-elle toujours s’affirmer comme le lieu où l’on forme l’enfant à honorer la cité et à devenir le citoyen d’une démocratie ?
- Comment diffuser auprès des élèves les instructions officielles relatives au politiquement correct, alors que les parents sont souvent divisés sur cette question ?
d) Études de cas particuliers
Des études de cas plus spécifiques combinant ces différentes approches seront également les bienvenues. Celles-là peuvent porter sur des productions textuelles variées (littérature, médias sociaux, Internet, discours politiques, médiatiques et administratifs). Elles peuvent se concentrer sur un corpus précis ou adopter une perspective comparative. L’essentiel est qu’elles s’attachent à montrer comment le politiquement correct revisité fournit un contre-discours efficace pour faire face aux discours discriminants, notamment xénophobes, racistes, sexistes ou homophobes.
- Éléments bibliographiques
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Brown, P. & Levinson, S. (1987), Politeness. Some Universals in Language Usage, Cambridge, Cambridge University Press.
Cameron, D. (1995), Verbal Hygiene, London, Routledge.
Charaudeau, P. (2014), « Étude de la politesse, entre communication et culture », in Cozma A.-M., Bellachhab A. & Pescheux M. (dirs), Du sens à la signification. De la signification aux sens. Mélanges offerts à Olga Galatanu, Bruxelles, Peter Lang, p. 137-154.
Clouscard, M. (2013), Le Capitalisme de la séduction, Paris, Delga.
Delporte, C. (2009), Une histoire de la langue de bois, Paris, Flammarion.
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Koren, R. (2019), Rhétorique et éthique, Paris, Classiques Garnier.
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Larrazet, C. (2010), « Politically correct : une guerre des mots américaine », Hermès, n° 58, p. 111-112.
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Rinn, M. (2012), « Du bien parler en Euphémie. Le handicap dans la cité honnête, utile et agréable », in Bonhomme M., de La Torre M. & Horak A. (dirs), Études pragmatico-discursives sur l’euphémisme, Frankfurt a. M., Peter Lang, p. 209-221.
Rinn M. et Sherlaw W. (2018), « Santé publique et communication », MEI, n° 44-45.
Rosier, L. (2020), « Politiquement correct », La Revue Nouvelle, n° 5, p. 64-69.
Volkoff, V. (2001), Manuel du politiquement correct, Paris, Éditions du Rocher.
Watzlawick, P, Beavin, J. H. & Jackson Don D. (1972), Une logique de la communication, Paris, Le Seuil.
- Modalités pratiques
Lieu et date : Montauban, Ancien Collège, du 3 au 5 juillet 2024.
Les propositions de communication, d’une longueur de 300 à 400 mots, doivent être envoyées avant le 20 décembre 2023 conjointement aux adresses suivantes :
Les notifications d’acceptation seront envoyées aux participant/e/s avant le 31 janvier 2024. L’ensemble des conférences aura lieu en présentiel.
Les frais d’inscription sont de 50 euros (pauses café, repas de gala, frais d’impression).
La publication d’un ouvrage collectif et/ou d’un numéro thématique dans une revue est envisagée. Des précisions sur ce point viendront par la suite.
Responsables du colloque :
Michael Rinn, Professeur, Université de Bretagne Occidentale, Brest.
Marc Bonhomme, Professeur émérite, Université de Berne, Suisse.
Pierre Marillaud, Inspecteur d’Académie honoraire, ancien chercheur associé à l’Université Jean Jaurès (Toulouse), membre de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Montauban
Comité d’organisation :
Philippe Bécade, chirurgien, Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Montauban
Christophe Cosker, Université de Bretagne Occidentale
Pierre Chartier, Université de Bretagne Occidentale
Pierre Marillaud, Inspecteur d’Académie honoraire, Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Montauban
Michael Rinn, Université de Bretagne Occidentale
Comité scientifique :
Ruth Amossy (Université de Tel Aviv, Israël)
Patrick Charaudeau (Université de Paris 13/CNRS, France)
Béatrice Fleury (Université de Lorraine, France)
Margareta Kastberg (Université de Franche-Comté)
Roselyne Koren (Université Bar-Ilan, Israël)
Alice Krieg-Planque (Université Paris-Est Créteil, France)
Montserrat López Diaz (Université de Saint-Jacques de Compostelle, Espagne)
Paola Paissa (Université de Turin, Italie)
Josias Semujanga (Université de Montréal, Canada)
Ndiémé Sow (Université Assane Seck de Ziguinchor, Sénégal)
Anita Staron (Université de Lodz, Pologne)
Jacques Walter (Université de Lorraine, France)
STATUTS ET RÈGLEMENT DE L'ACADÉMIE :
LA LETTRE MENSUELLE DE L'ACADEMIE :
LE COMPTE-RENDU DE NOTRE DERNIÈRE ASSEMBLÉE GÉNÉRALE :
L'ACADÉMIE AU FIL DES ANNÉES :
À NOTER DANS VOS AGENDAS POUR LES PROCHAINS MOIS :
L'AGENDA CULTUREL DES MEMBRES DE L'ACADÉMIE
LES CONFÉRENCES :
LES EXPOSITIONS :
LES SPECTACLES, CONCERTS ET MANIFESTATIONS DIVERSES :
LES DERNIÈRES PUBLICATIONS
- Lexique amoureux de Montauban , Dirigé par Christian Amalvi & Dominique Porté (En cliquant : voir la fiche ci-jointe pour en savoir plus)
Ce lexique emprunte à bien des genres : un livre d’histoire par ces auteurs historiens patentés ou en herbe, papillonnant entre lieux de mémoire, micro-histoire, mythes et légendes. Un livre d’art par l’attention prêtée aux créateurs mais aussi par ces auteurs qui se plaisent à modeler l’univers qui les entoure et les nourrit, en bonne compagnie avec l’oeil aussi curieux qu’enchanteur du photographe Didier Taillefer.
PARMI LES AUTEURS, on note plusieurs membres titulaires de l’Académie de Montauban : Jean-Pierre Amalric, Genevieve André-Acquier, Guy Astoul, Roland Garrigues, Norbert Sabatié et Christian Stierlé
- Stierlé, Christian (2018) Montauban, Photographies de Claude Dorotte, Editions Sutton : (cliquer voir la fiche)
- Jean de Tinan Lettres à Madame Bulteau , Édition établie, présentée et annotée par Claude Sicard, vient de paraître aux Editions Honoré Champion (janvier 2019)
(Voir l'article dans LA DEPECHE du 07 avril 2019)
- Guy Astoul , Histoire de Montech, Montech, Europrint (janvier 2019)
- Geneviève Falgas : Un jour la guerre finira , Editions Cairn, Pyrénées-Atlantiques (novembre 2018)
(Voir l'article dans LA DEPECHE du 07 avril 2019)
L'Académie des Jeux Floraux a décerné à Geneviève Falgas pour ce roman, "Le Grand Prix d'Académie-Prix Henri-Fayolle". qui lui sera remis le 3 mai , salle des Illustres au Capitole, à Toulouse.
- Jean-Luc Nespoulous et Edith Labos, Neuropsicolingüostica, recorrido clinico, élémentos conceptuales...y perspectivas, Libéria AKADIA Editorial (2019) (en espagnol)
- Christian Stierlé, Montauban, Histoire et patrimoine de A à Z, Editions Sutton (2019)
- Chistian Stierlé, Promenades à Montauban, Des lieux, des monuments, des personnages et des événements emblèmatiques, Cairn éditeur (2019)
- Jacques Carral : Deux Siècles d'histoire, L'Académie de Montauban de 1730 à 1930, Académie de Montauban, 2019
L'ACADEMIE DANS LA PRESSE :
La Dépêche, 26 juin 2019, p. 20.
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